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Airbus assure la survie de la C Series et le maintien de milliers d’emplois au Québec

octobre 23, 2017
par Pierre Deschamps



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Une véritable onde de choc a parcouru le Québec à l’annonce de la prise de contrôle par le géant Airbus de la Société en commandite Avions C Series, de Bombardier. Ce qui aurait pu être un symbole de la réussite de l’entrepreneuriat québécois s’ajoute de facto au vaste portefeuille fort bien garni de l’avionneur européen qui, début 2017, affirmait avoir livré en 2016 rien de moins que 688 appareils. Selon l’entente conclue entre Bombardier et Airbus, cette dernière met la main sur 50,01 % de la Société en commandite Avions C Series, alors que Bombardier en détiendra dorénavant 31 % et Investissement Québec les 19 % restants.

 

Dire qu’Airbus assure la survie de la C Series n’est pas un euphémisme. Il suffit de se rappeler que le premier appareil de cette gamme d’appareils moyen-courriers est entré en service à l’été 2016, soit avec deux ans de retard sur le calendrier initial, que le rythme de production a été ralenti par les problèmes du motoriste Pratt & Whitney, que seulement sept appareils ont été livrés en 2016, enfin que Bombardier n’a pas reçu de nouvelle commande depuis décembre 2016. Sans oublier l’injection de capitaux par les gouvernement du Québec et du Canada que d’aucuns avaient qualifié à l’époque de geste de la dernière chance.

En d’autres mots, au-delà de l’émoi causé par la perte de contrôle de la Société en commandite, il faut bien reconnaître que l’essentiel est préservé : la principale ligne d’assemblage (Mirabel) et le siège social du programme C Series vont demeurer au Québec, au moins jusqu’en 2041, alors que les milliers emplois, directs et indirects, qui y sont rattachés sont maintenus.

Mais dès maintenant, l’aventure industrielle se poursuit, cette fois à une tout autre échelle, comme l’a mentionné lors de son passage à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le 20 octobre dernier, Thomas Enders, président et chef de la direction d’Airbus : les appareils de la C Series, « ser[ont] toujours [des] avions qui [ont] été conçus, créés et fabriqués au Québec […] ce sera le Québec en particulier, son industrie aéronautique et ses fournisseurs, qui va bénéficier de ce partenariat ». Une façon comme une autre d‘introduire une réalité incontournable : dorénavant, les appareils de la C Series « seront des avions Airbus », vendus comme tels.

Du même souffle, le patron d’Airbus a souligné les aspects positifs de cette prise de contrôle : « On vient d’assurer la pérennité du programme. Plusieurs ont remarqué qu’Airbus n’[investissait] pas d’argent [avec cette transaction]. Ce qu’Airbus amène, c’est sa marque. On a vu les prévisions de vente augmenter de 50 % en une semaine […] La base de fournisseurs est assez commune avec Airbus et va nous permettre d’en arriver à des économies d’échelle ».

Dans une toute autre perspective, le « coup de poker d’Airbus », comme le clame l’hebdomadaire français Challenge, ne peut nous faire oublier, comme l’évoque le quotidien économique Les Échos, que : « Les appareils CS100 et CS300 sont des avions monocouloirs performants, qui, avec deux versions de 110 à 130 sièges, se positionnent sur l’entrée de gamme des moyen-courriers, le segment le plus dynamique du marché. C’est d’ailleurs en partie pour « tuer » cette concurrence qu’Airbus et Boeing ont décidé chacun d’investir dans des versions remotorisées de leurs monocouloirs moyen-courriers (A320neo et 737 MAX) ».

Par surcroît, en s’offrant la C Series, Airbus contre aussi les aspirations du constructeur chinois Comac. Au dire d’Ernest Arvai, analyste chez AirInsight, « la C Series aurait été bénéfique pour le programme C919 de Comac, et lui aurait apporté instantanément des capacités technologiques avancées ».

Cette manœuvre d’Airbus va sûrement faire réagir Boeing, en déduit pour sa part Chris Higgins, analyste chez MorningStar, une société de recherche en investissement et de gestion de placements dont le siège social est situé à Chicago ». Ce dernier estime « qu’Airbus veut mettre la pression sur Boeing dans les moyen-courriers et étendre sa présence nord-américaine ». Une pression qui irait s’accentuant si l’on en croit le site Zonebourse.com qui déclare « qu’une version allongée de ce programme, le C Series 500, bardée des dernières technologies, devrait arriver sur le marché d’ici 2025 pour concurrencer le 737 MAX 8 de Boeing pouvant transporter jusqu’à 200 passagers. Nous pensons que les chances de lancement d’un nouveau programme par Boeing dans les douze prochains mois vont désormais augmenter et sont au-dessus de 50 % », estime-t-il.

Plusieurs observateurs de l’industrie aéronautique internationale ont en outre souligné que le nouveau contexte concurrentiel qui émerge à la suite de la prise de contrôle de la C Series par Airbus pourrait amener Boeing à revoir l’entente qui le lit à l’avionneur brésilien Embraer, avec lequel il développe l’avion de transport militaire KC-390. Le géant de Seattle pourrait ainsi décider de s’investir davantage dans les moyen-courriers de la famille E2 (E175, E190 et E195) d’Embraer, dont les premiers appareils devraient être mis en service au cours des deux prochaines années.

Au global, si la prise de contrôle d’Airbus demeure la principale opération de consolidation sur le marché de l’aviation civile depuis le rachat de McDonnell Douglas par Boeing en 1997, il semble bien qu’elle n’a pas fini de faire parler d’elle et de bousculer bien des habitudes dans une industrie dont les investissements en milliards de dollars s’échelonnent habituellement sur plusieurs décennies.

http://www.bombardier.com/fr/accueil.html

http://www.airbus.com/


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