Génie de Conception

En Vedette Énergie
L’émergence des petits réacteurs modulaires

Pour limiter la durée de construction et les risques financiers

mars 18, 2024
par Pierre Deschamps


Crédit photo: OPG.

À la conférence COP28 sur le changement climatique qui s’est terminée en décembre 2023, plus de 20 pays ont signé une déclaration commune visant à tripler la capacité nucléaire d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, outre la réduction des risques liés à la construction et au financement des projets, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) note, dans Electricity 2024. Analysis and forecast to 2026, que : « La dynamique s’accroît […] derrière la technologie des petits réacteurs modulaires (PRM, en anglais Small Nuclear Reator – SMR). Le développement de la technologie et le déploiement restent modestes et ne se font pas sans difficultés, mais la R&D commence à reprendre. »

Moins coûteux, moins gros, plus sûrs
On peut se demander sur quoi repose le soudain attrait pour les PRM. Le cabinet en audit, conseil, droit et fiscalité, et expertise comptable KPMG y répond dans un document publié sur son site. On peut en effet y lire que, si « les centrales nucléaires coûtent généralement des dizaines de milliards de dollars ou de livres et sont connues pour dépasser les budgets et les délais […] les petits réacteurs modulaires devraient coûter des centaines de millions de dollars chacun [Qui plus est, Ils prendront] beaucoup moins de place qu’une centrale nucléaire conventionnelle et devraient être encore plus sûrs, compte tenu de [leur] plus petite taille [En outre,] plusieurs projets peuvent être déployés en tant que programme de travail, ce qui permet de répartir les risques et les coûts équivalents du projet ».

Des PRM déjà en exploitation
Cela dit, l’engouement pour les petits réacteurs nucléaires est déjà bel et bien une réalité. Comme l’indique Marc Fontecave, professeur au Collège de France, dans un communiqué de presse de l’Académie des sciences – Institut de France : « Sans surprise, les pays les plus avancés en la matière sont les pays les plus nucléarisés par ailleurs (États-Unis, Russie, Canada, Royaume-Uni, Chine, Japon, Corée du Sud, France). L’Agence internationale de l’énergie atomique recense actuellement 70 projets de par le monde, à des degrés de maturité très divers. Actuellement, trois PRM sont connectés au réseau : deux en Russie (35 MW), un en Chine (200 MW). En France, le projet-phare est le projet Nuward, porté par le consortium EDF, CEA, Naval Group et TechnicAtome, lancé en 2019. Issu d’une technologie qui a fait ses preuves dans la propulsion navale française (chaufferies nucléaires de nos actuels sous-marins et du porte-avions), il vise à développer deux PRM de 170 MW de troisième génération. »

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Une alliance européenne
On observe d’autre part des regroupements industriels qui visent à accélérer le mouvement. Ainsi en est-il de la déclaration de la Commission européenne de février dernier annonçant la création de l’European Industrial Alliance on Small Nuclear Reactor dont l’objectif est de soutenir « le développement, la démonstration et le déploiement de petits réacteurs modulaires en Europe d’ici le début des années 2030 ».

L’Alliance regroupe des fournisseurs, des services publics, des sociétés nucléaires spécialisées, des institutions financières, des organismes de recherche, des centres de formation et des organisations de la société civile de manière à « renforcer la chaîne d’approvisionnement nucléaire en Europe en tirant parti de sa capacité de fabrication et d’innovation et en renforçant la coopération » dans l’Union européenne.

Une pionnière canadienne
Au Canada, Ontario Power Generation (OPG) fait déjà œuvre de pionnière avec son projet de nouvelle centrale nucléaire de Darlington qui « ouvre la voie à l’avancement de la technologie des petits réacteurs modulaires (PRM) au Canada – l’avenir de la production d’énergie nucléaire ».

Pour ce projet, qui sera plus ambitieux que celui annoncé au départ, le gouvernement de l’Ontario a annoncé en juillet dernier « qu’il travaillerait avec Ontario Power Generation (OPG) pour commencer la planification et l’autorisation de trois PRM supplémentaires, pour un total de quatre PRM sur le nouveau site nucléaire de Darlington ».

Au total, ces quatre PRM, dont la mise en service est prévue pour le milieu des années 2023, produiront 1 200 MW, soit « suffisamment d’électricité pour alimenter de manière fiable et sûre environ 1,2 million de foyers et aider notre communauté et la province à répondre à la demande croissante d’électrification », précise le gouvernement ontarien.

Une avancée américaine
Dans le document de KPMG cité précédemment, on souligne que : « TerraPraxis, organisme à but non lucratif américain sur le changement climatique, a proposé de réapprovisionner 5 000 à 7 000 centrales au charbon dans le monde entre 2030 et 2050 avec des PRM […] Rien qu’aux États-Unis, un rapport du ministère de l’Énergie a récemment estimé que 315 sites, qui représentent environ 80 % des centrales au charbon retirées et actuellement en exploitation, le rapport évalué, pourraient être convertis en énergie nucléaire. »

Pour sa part, TerraPower a annoncé en août dernier l’achat d’un terrain à Kemmerer, dans le Wyoming, pour y construire Natrium, un projet de démonstration de PRM, mis au point conjointement avec GE Hitachi Nuclear Energy. Située à proximité d’une installation de charbon à la retraite, l’usine de démonstration de Natrium est, au dire de TerraPower « le seul projet de conversion du charbon en nucléaire en cours de développement dans le monde », dont la mise en service est prévue vers 2030.

Qui plus est, « l’usine de démonstration validera la conception, la construction et les caractéristiques opérationnelles de la technologie Natrium. Le projet comprend un réacteur rapide de 345 MW refroidi au sodium avec un système de stockage d’énergie à base de sels fondus. Au besoin, la technologie de stockage peut augmenter la puissance du système à 500 MW, ce qui équivaut à l’énergie nécessaire pour alimenter environ 400 000 foyers », précise TerraPower.

Un programme britannique
Au Royaume-Uni, le gouvernement a donné en 2020 le feu vert au programme de PRM. Un investissement de 215 millions de livres sterling réalisé dans le cadre du programme Low Cost Nuclear (LCN) à partir de 2021, initié par le UK Research and Innovation (UKRI). Un premier concept sera développé par un consortium britannique qui réunit sept entités sous la gouverne de Rolls-Royce.

En outre, en février dernier, Westinghouse et le développeur de petits réacteurs nucléaires CNP ont annoncé avoir signé un accord rendant possible la construction du premier parc privé de PRN du type AP300 de Westinghouse en Grande-Bretagne. « La première étape en vue d’une mise en service commerciale des installations au début des années 2030 est ainsi lancée ». CNP a indiqué que « l’ensemble des conditions et des accords nécessaires à ce projet pionnier étaient réunis : le site, les capacités, la technologie, le financement privé et le besoin de la commune ».
https://www.iea.org
https://kpmg.com/xx/en/home.html
https://www.academie-sciences.fr/fr/
https://commission.europa.eu/index_en
https://www.terrapraxis.org/
https://www.terrapower.com/
https://www.opg.com/
https://www.ukri.org/
https://www.westinghousenuclear.com/


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