Génie de Conception

En Vedette
L’avenir du plastique recyclé

Des initiatives porteuses d’espoir.

novembre 8, 2021
par Pierre Deschamps


(Photo credit: Polystyvert–COEXPAN)

Depuis une bonne cinquantaine d’années, le plastique est devenu le matériau tout usage le plus répandu sur la planète. Il est partout. Dans la cuisine et la salle de bain (bouteilles de détergent et de shampooing), dans les autres pièces de la maison (store, tapis, bacs de toutes sortes), dans le garage (pièces d’autos), dans l’arrière-cour (toile de piscine, lattes de terrasse), dans le réfrigérateur (pots de moutarde et de ketchup), dans nos sacs à lunch (boîte et contenant). La liste est infinie.

À tel point que la présence du plastique dans l’environnement est le deuxième plus grand problème environnemental auquel fait face la Terre, tout juste derrière le réchauffement de notre atmosphère.

Une étude publiée sous le titre “Plastics in the Earth system”, dans le numéro de juillet dernier de la revue « Science Advances », estime que, « sur les 8,3 milliards de tonnes de matières plastiques produites jusqu’à ce jour par l’humanité, près de 75 % d’entre elles se retrouvent sur Terre ou dans les mers sous forme de déchets, alors que seuls 9 % de ces déchets sont recyclés. Si rien n’est fait pour freiner et inverser cette situation, plus de 12 milliards de tonnes de plastique pourraient avoir pris le chemin des centres d’enfouissement d’ici 2050 ».

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Bien que tous les types de plastique ne soient pas recyclables en raison de leur composition et du coût inhérent à leur transformation qui va bien au-delà d’un potentiel gain environnemental (en fonction principalement du coût énergétique élevé, si la source énergétique utilisée n’est pas durable), de plus en plus d’initiatives, de recherches et de travaux indiquent hors de tout doute qu’il est tout à fait possible d’agir pour récupérer et recycler les plastiques post-consommation.

En octobre, un communiqué de Polystyvert, une entreprise innovante implantée à Anjou, dans l’est de Montréal, et leader dans le domaine de la technologie de recyclage par dissolution (dont celle du polystyrène ou plastique 6), annonçait une alliance avec COEXPAN, l’un des principaux fabricants dans le monde de systèmes d’emballage alimentaire Form Fill Seal (FFS). L’objectif de cette alliance : valider l’utilisation du polystyrène recyclé (rPS) par dissolution dans les emballages de pots de yaourt.

Au cours de la première phase de validation, il appert que : « Les contaminants ont été éliminés avec succès de la matière première initiale, notamment les pigments et les colorants [parvenant ainsi] à extruder et à thermoformer les granulés recyclés en pots de yaourt fabriqués à partir de polystyrène (PS) recyclé. »

Il s’ensuit que : « le rPS de Polystyvert a passé avec succès les tests de provocation et de migration. Ces résultats probants ont permis à Polystyvert de recevoir de la part d’Intertek, un laboratoire indépendant aux États-Unis, une certification d’aptitude au contact alimentaire pour son rPS. »

Par ailleurs, pour réutiliser adéquatement les déchets plastiques, il faut pouvoir les trier sur la base de leur composition. C’est à quoi s’attèle actuellement l’European Brands Association, l’Alliance to End Plastic Waste et la ville de Copenhague, qui ont annoncé récemment avoir formé un partenariat « pour conduire la prochaine étape de développement pour les déchets intelligents de tri sous l’Initiative Filigranes numérique HolyGrail 2.0. ».

Les travaux en cours visent à faire « un pas de plus vers l’identification et le tri de précision des déchets d’emballages en plastique grâce aux filigranes numériques, avec le potentiel de révolutionner le processus de tri et de recyclage des emballages en plastique ».

Les filigranes numériques sont des codes imperceptibles, chacun de la taille d’un timbre-poste. Ils couvrent la surface d’un emballage de biens de consommation et comportent un large éventail d’attributs tels que le type d’emballage, le matériau et l’utilisation. Le prototype détection en cours porte sur quelque 125 000 pièces d’emballages issues d’environ 260 différentes unités de stocks (SKU) différentes.

Comme l’expliquent les initiateurs du projet : « Les emballages usagés sont collectés et scannés sur la ligne de tri avec un caméra haute résolution qui détecte et décode le filigrane numérique. L’emballage est ensuite trié en flux correspondants, en fonction d’attributs spécifiés, notamment les types alimentaires, non alimentaires ou polymères. » Ce qui permet d’obtenir des résidus plus aisément réintroduits dans l’économie circulaire du plastique.

Pour leur part, les partenaires européens Repsol, Axens et IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ont développé le procédé Rewind Mix qui traite les impuretés comme le silicium, les composés chlorés, les dioléfines et les métaux des huiles de pyrolyse de déchets plastiques, permettant leur utilisation directe et non diluée dans les unités pétrochimiques.

En septembre dernier, les trois partenaires témoignaient ainsi des avancées de cette initiative : « La pyrolyse apparaît comme l’une des méthodes les plus prometteuses pour le recyclage chimique des déchets plastiques – qui autrement finiraient en décharge ou incinérés – et la production de plastiques recyclés à faible empreinte carbone, compatibles avec un usage alimentaire. Le déploiement de la pyrolyse permettra l’introduction massive d’huile de pyrolyse recyclée dans les installations de vapocraquage existantes. »

Il y a deux mois maintenant, la société française Carbios démarrait son démonstrateur industriel exploitant sa technologie de recyclage enzymatique C-ZYME. Ce procédé « met en œuvre une enzyme capable de dépolymériser de façon spécifique le PET (polytéréphtalate d’éthylène) contenu dans différents objets plastiques ou textiles. Les monomères issus du procédé de dépolymérisation sont purifiés, en vue d’être repolymérisés en un PET de qualité équivalente au PET vierge issu de la pétrochimie. [Ce procédé] permet un recyclage à l’infini de tous types de déchets en PET (plastiques clairs, colorés, opaques, complexes, textiles polyester) ainsi que la production de produits PET 100 % recyclés et 100 % recyclables, sans perte de qualité ».

Pour finir, ne devrions-nous pas suivre l’avis de Denis Leclerc, président et chef de la direction d’Écotech Québec, qui déclarait au Journal de Montréal que : « L’Office québécois de la langue française devrait interdire le mot déchet. Ce sont des matières résiduelles », question d’affirmer du même coup qu’il s’agit bel et bien d’une matière qui peut être réutilisée, d’une façon ou d’une autre ?
https://www.science.org/journal/sciadv
https://www.polystyvert.com/fr/
https://www.aim.be/
https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/
https://www.carbios.com/fr/


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