Génie de Conception

En Vedette Énergie
Une énergie qui refait surface

Le retour de l’osmotique dans le bouquet énergétique

mai 9, 2024
par Pierre Deschamps


(Crédit photo : Sweetch Energy)

La transition énergétique en cours un peu partout dans le monde conduit les fournisseurs d’électricité à analyser toutes les options possibles susceptibles de réduire l’empreinte carbone de profil de production. Une situation qui les conduit à évaluer la faisabilité d’ajouter des solutions dites renouvelables comme l’éolien et le solaire. Plus récemment toutefois, une filière est réapparue sur le devant de la scène énergétique. Connue depuis longtemps, celle-ci avait suscité un certain intérêt au début des années 1990, avant de retomber rapidement dans l’oubli. Mais voilà que la nécessité de produire toujours plus propre remet sur le devant de la scène l’énergie osmotique.

Quand l’eau douce rencontre l’eau salée

En peu de mots, on peut, comme l’explique la société française Sweetch Energy, dire de l’énergie osmotique ce qui suit : « il s’agit d’amener de l’eau douce et de l’eau salée au sein d’un générateur sous forme d’une grande boîte, dans laquelle on place un empilement de milliers de membranes, un peu comme un électrolyseur. On fait alors couler doucement le long de ces membranes l’eau douce d’un côté et l’eau salée de l’autre. Ces membranes possèdent des caractéristiques particulières. Elles sont notamment sélectives, c’est-à-dire qu’elles ne font passer que les ions positifs ou que les négatifs, ce qui crée des potentiels produisant de l’énergie ionique ».

Advertisement

Un potentiel important

Au dire du CNRS toujours, son potentiel, connu depuis plus de 70 ans, serait fort important : « Les deltas des grands fleuves peuvent théoriquement fournir jusqu’à 17 000 TWh par an, soit presque autant que 2 000 réacteurs nucléaires. L’énergie osmotique est renouvelable mais à la différence de l’éolien et du solaire elle se base sur un flux constant ce qui lui permet d’être produite en continu et de s’adapter aux besoins du réseau électrique. »

Des avantages notables

Selon la société française Sweetch Energy, « une des merveilles de l’énergie osmotique, c’est qu’elle est non seulement totalement décarbonée, mais aussi renouvelable et permanente. Il y a certes des variabilités saisonnières prédictibles, mais tant qu’il y a de l’eau dans la mer, il y a de l’énergie osmotique. C’est donc un magnifique complément à d’autres types d’énergies renouvelables plus intermittentes ».

« C’est aussi une forme d’électricité très flexible. Elle permet des installations qui produisent de l’électricité 24 h sur 24, ou en réserve en cas de besoin ponctuel, de manière complètement instantanée. Par ailleurs, les installations nécessaires sont de taille modeste, et très décentralisables, donc peu d’occupation au sol et d’impact sur les paysages à prévoir. »

Des membranes plus performantes

Soulignons que Sweetch Energy a mis au point la technologie INOD, une technologie qui, parmi 4 000 startups de plus de 115 pays, a été récompensée en 2023 au Sommet mondial annuel deeptech, le Hello Tomorrow Global Challenge. Cette technologie lui permettrait de proposer des membranes beaucoup plus performantes que celles disponibles actuellement. Ces membranes assurent une haute circulation ionique que l’on peut transformer en courant électrique important (20 à 30 watts par mètre carré). En fonction des types des pores présents sur ces membranes, les ions circulent plus ou moins vite. La technologie INOD utilise le principe de diffusion nano-osmotique pour récupérer l’énergie osmotique.

Un premier site de production

En juin 2023, Sweetch Energy et la Compagnie nationale du Rhône (CNR) ont créé un co-entreprise en vue de construire une station-pilote de production d’électricité osmotique dans le delta du Rhône. Selon la CNR, « à l’embouchure du Rhône, le potentiel de production de l‘énergie osmotique est estimé à environ 4 TWh par an, soit le double de la consommation électrique annuelle de la ville de Marseille ». La construction de cette station-pilote est en cours de réalisation.

Une pionnière scandinave

Pour la petite histoire, rappelons que c’est la société d’électricité norvégienne Statkraft qui a mis en service en 2009 une première centrale osmotique à Tofte, dans le sud-est de la Norvège. Toutefois, en 2013 cette société décidait d’arrêter « ses travaux de développement de la technologie de l’énergie osmotique. Compte tenu des perspectives actuelles du marché, l’entreprise reconnaît que la technologie ne sera pas suffisamment développée pour devenir compétitive dans un avenir prévisible ».

Au Pays-Bas, une usine osmotique située sur le barrage de fermeture d’Afsluitdijk, dans la baie de Ijsselmeer (au nord-est d’Amsterdam), a été inauguré en 2014 pour produire de l’électricité directement à partir de la différence de concentration en sel dans les eaux de surface de chaque côté du barrage. Cette usine pilote est exploitée par RedStack, la société qui a développé la technologie basée sur l’électrodialyse inverse (RED), utilisant des membranes spécialement conçues. Cette usine est le fruit d’une initiative conjointe de RedStack, de FujiFilm et de l’institut de connaissances en technologie de l’eau Wetsus.

Mentionnons enfin que la ville de Fukuoka, au Japon, est l’hôte d’une usine de production osmotique, une installation capable de produire 880 000 kWh par an, soit suffisamment pour alimenter environ 300 foyers. Sa mise en service est prévue pour 2025.

https://www.inp.cnrs.fr/fr

https://www.sweetch.energy

https://www.cnr.tm.fr

https://www.statkraft.com

https://redstack.nl/en/

https://www.fukuoka-now.com/en/

 


Print this page

Advertisement

Stories continue below