Génie de Conception

Automatisation Nouvelles
Une puce vraiment intelligente

juin 4, 2018
par Pierre Deschamps



Lors de l’édition 2018 du Consumer Electronics Show, qui s’est tenu en début d’année à Las Vegas, Intel, le premier fabricant mondial de semi-conducteurs, a dévoilé un prototype de puce neuromorphique dont le fonctionnement s’inspire de celui du cerveau humain pour apprendre à partir de données acquises en temps réel plutôt que de s’appuyer sur une connexion à des serveurs en ligne. Cette puce apprenante serait destinée à des travaux de recherche en intelligence artificielle.

 

À cette occasion, Brian Krzanich, le président-directeur général d’Intel, s’est fait prophète en soutenant que cette puce à « le potentiel d’aider les industries, les instituts de recherche et la société à résoudre les problèmes qui submergent actuellement les ordinateurs classiques d’aujourd’hui ».

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Au cours de la présente décennie, l’intelligence artificielle a progressé à vive allure, en raison principalement des différentes méthodes proposées en apprentissage automatique (machine learning et deep learning). Ce sont là des systèmes spécialisés qui, par définition, ne sont pas habiletés à produire un raisonnement généraliste nécessaire pour s’adapter à des conditions variables. N’empêche que les immenses attentes placées dans l’intelligence artificielle reposent justement sur des systèmes capables d’autonomie et d’un apprentissage à partir des données collectées en temps réel dans leur environnement. D’où l’immense espoir suscité par les puces neuromorphiques.

Bien que l’idée des puces neuromorphiques existe depuis des décennies, avec celles que propose Intel, la technologie pourrait sans doute, dans un horizon de quelques années, être prête à être commercialisée, si et seulement si les obstacles à une mise en marché s’estompent.

Dans le passé, « le plus grand défi avec les puces neuromorphiques […] a été leur mise à l’échelle », soutient Chris Eliasmith, professeur au Département de génie de conception de systèmes, à l’Université de Waterloo. 

« Un composant seul peut présenter un comportement physique remarquable, mais ce bénéfice s’estompe parfois lorsque l’on en intègre des milliers, affirme Damien Querlioz, chercheur au Centre de nanosciences et de nanotechnologies, du CNRS. Il suffit par exemple que la tension électrique arrivant à l’entrée de chaque composant varie légèrement pour ruiner l’intérêt d’une puce neuromorphique complexe ». Or, « des milliers, voire des centaines de milliers de composants à intégrer ensemble, c’est pourtant le minimum si l’on veut mettre au point de premières applications commerciales », poursuit celui qui a obtenu la médaille de bronze du CNRS en 2017 pour ses travaux sur ces futures architectures neuromorphiques.

Baptisée Loihi, du nom d’un volcan sous-marin actif au large d’Hawaï, la puce mise au point par Intel est formée de 130 000 neurones et les 130 millions de synapses en silicium qui forment un réseau de cœurs neuromorphiques asynchrones qui savent moduler leurs interconnexions pour s’adapter à de nouvelles tâches. À l’instar de notre cerveau, chaque neurone peut communiquer avec des milliers d’autres, alors que chaque cœur est doté d’un moteur d’apprentissage qui peut être programmé pour adapter un réseau neuronal en fonction des besoins. Bref, un module d’intelligence artificielle qui serait propulsée par une puce Loihi pourrait apprendre à développer une quelconque forme d’expérience pour l’aider à résoudre des problèmes.

Contrairement à une puce classique qui partage le traitement des données entre son cœur de calcul et une mémoire séparée, les neurones adaptatifs de la puce Loihi fusionnent le calcul et la mémoire, ce qui rend les opérations plus rapides et moins énergivores. Intel affirme même que la puce Loihi peut interpréter des vidéos en utilisant moins d’un millième de l’énergie d’une puce classique.

En fait, « en intégrant une puce neuromorphique, dédiée aux algorithmes de type réseau de neurones courants en intelligence artificielle, sur chaque processeur d’ordinateur ou de téléphone, on disposerait de processeurs moins énergivores », soutient Vincent Garcia, chercheur au sein de l’Unité mixte de physique CNRS-Thales. 

Les premiers essais réalisés avec la puce Loihi ont consisté à lui montrer des vidéos de personnes accomplissant des mouvements avec leurs biceps. Elle devait ensuite retrouver les mêmes mouvements dans des vidéos inédites. Selon Intel, les capacités de la puce Loihi, gravée en 14 nm, auraient un potentiel énorme pour améliorer des applications dans les domaines des transports, de la robotique et des industries, où l’exploitation en temps réel et autonome de données non structurées est primordiale.

Pour progresser plus rapidement, Intel a prévu de fournir des puces Loihi à certaines universités et centres de recherche à partir de l’année prochaine, pour qu’ils puissent travailler sur des projets d’intelligence artificielle.
https://newsroom.intel.com
https://www.technologyreview.com
https://lejournal.cnrs.fr
https://iatranshumanisme.com

 


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