Génie de Conception

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Un aéronef qui carbure au vent ionique

Décembre 3, 2018
par Pierre Deschamps



Le 9 octobre 1897, Clément Ader est aux commandes de l’Éole, une machine équipée d’un moteur à vapeur de 20 ch, dont la forme s’inspirait de la voilure de la chauve-souris. Ce jour-là, cette machine semble avoir quitté le sol, mais il n’y avait pas de témoins autres que les employés d’Ader, qui est souvent qualifié de « père de l’aviation ». À l’époque, on le traita d’hurluberlu, de lunatique, de fantaisiste, d’écervelé…

 

Plus d’un siècle plus tard, il appert que des ingénieurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont construit et piloté le tout premier avion sans pièces mobiles. Au lieu d’hélices ou de turbines, l’avion léger qu’ils ont mis au point est alimenté par un vent ionique, une sorte de flux d’ions silencieux, mais puissant, qui génère suffisamment de poussée pour propulser l’avion pour un vol soutenu et régulier. Si bien que, contrairement aux avions à turbines, un tel appareil ne dépendrait pas de combustibles fossiles pour voler. De plus, contrairement aux drones à hélices, le nouvel aéronef est totalement silencieux.

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Au dire de Steven Barrett, professeur agrégé d’aéronautique et d’astronautique au MIT, « il s’agit du tout premier vol soutenu d’un avion sans pièces mobiles dans le système de propulsion. Cela a potentiellement ouvert de nouvelles possibilités inexplorées pour des aéronefs plus silencieux, plus simples mécaniquement et qui n’émettent pas d’émissions de combustion ».

À court terme, le Professeur Barrett espère que de tels systèmes de propulsion ionique pourraient être utilisés pour piloter des drones moins bruyants. À plus long terme, il envisage une propulsion ionique associée à des systèmes de combustion plus conventionnels pour créer des avions de passagers hybrides plus économes en carburant. Assez curieusement, il semble que ce cet avion ionique ait été en partie inspirée de la célèbre série culte Star Trek et les aéronefs futuristes qui ont fait rêver tant de téléspectateurs. 

En fait, il y a une dizaine d’années, Steven Barrett cherchait comment mettre en œuvre un système de propulsion pour avion sans pièces mobiles. Au fil de ses recherches, il tombe sur le vent ionique, également connu sous le nom de poussée électro-aérodynamique, un principe physique qui a été identifié pour la première fois dans les années 1920. En peu de mots il s’agit d’un vent, ou d’une poussée, qui peut être produit lorsqu’un courant passe entre une électrode mince et une électrode épaisse. Si la tension appliquée est assez forte, l’air qui passe entre les électrodes peut produire une poussée suffisante pour propulser en l’air un avion de faible poids.

Pendant longtemps, la poussée électro-aérodynamique a été rangée au rayon des inventions d’amateurs. Puis, un beau jour, en réalité par une belle nuit d’insomnie, Steven Barrett s’est mis « à faire des calculs pour constater que, oui, cela pourrait devenir un système de propulsion viable » Il aura fallu tout simplement plusieurs années de recherche pour qu’un premier vol d’essai ait lieu.

Comme l’explique ce dernier, « l’aéronef qui en résulta ressemble à un grand planeur léger, dont le poids oscille autour de cinq livres, pour une envergure de cinq mètres. Il est composé d’une rangée de fils minces, qui sont suspendus comme une clôture horizontale le long de l’avant de son aile et sous celle-ci. Ces fils jouent le rôle d’électrodes chargées positivement, tandis que des fils plus épais disposés de la même manière le long de la partie arrière de l’aile de l’avion servent d’électrodes négatives ». Lors de récents essais, l’appareil, dont le fuselage embarque une pile de batteries lithium-polymère, a réalisé sans encombre un premier vol d’une distance de 60 mètres, puis une série d’autres vols au cours desquels il a affiché des performances similaires.

Actuellement, l’équipe du MIT tente d’accroître l’efficacité de leur conception afin de produire plus de vent ionique avec moins de tension. Les chercheurs espèrent également augmenter la densité de poussée de la conception, soit la quantité de poussée générée par unité de surface. Actuellement, piloter l’avion léger de l’équipe nécessite une grande surface d’électrodes, qui constitue essentiellement le système de propulsion de l’avion. Dans l’idéal, il s’agirait de concevoir un avion sans système de propulsion visible ou avec des surfaces de contrôle séparées.

Passer du principe de base à quelque chose qui a bel et bien volé « a été un long voyage de caractérisation de la physique, puis de conception et de mise en œuvre. Maintenant, les possibilités pour ce type de système de propulsion s’avèrent viables », soutient Steven Barrett.
http://web.mit.edu/

 

 


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