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Tempête sur le cobalt

juin 18, 2018
par pierre Deschamps



 

Dans l’univers encore feutré de la voiture électrique, les batailles entre fabricants ne sont que des combats commerciaux que l’on peut qualifier tout à fait courants. En réalité, les véritables luttes se déroulent bien en amont des usines de fabrication et des salles de ventes tant elles ont bien peu à voir avec des parts de marché qu’on se dispute, même âprement. Les vrais affrontements concernent plutôt les batteries électriques ou, pour être plus précis, quelques éléments qui les composent, nommément certains métaux, dont le cobalt, et des terres rares qui ont pour nom terbium, dysprosium, néodyme, yttrium, pour ne nommer que les principales. 

 

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Au cœur de cet affrontement, la Chine, qui est en train d’effectuer un virage industriel inédit en obligeant les constructeurs automobiles chinois de réaliser des ventes de voitures électriques ou hybrides à hauteur de 10 % de leurs ventes totales dans le pays dès l’an prochain et de 12 % en 2020. Quand on sait que les ventes de voitures électriques et hybrides y ont atteint en mai de cette année 102 000 unités, soit une hausse spectaculaire de 125 % en un an, alors que plus de 90 % de ces véhicules sont produits localement, et qu’en 2017 l’industrie automobile chinoise a vendu près de 27,5 millions d’unités (en hausse de 2,3% par rapport à 2016), on peut facilement comprendre pourquoi la Chine veut assurer coûte que coûte ses approvisionnements en matières premières pour batteries. 

C’est ce qui explique, par exemple, que Glencore, le géant anglo-suisse de négoce, de courtage et d’extraction de matières premières, cédera au chinois GEM quelque 13 800 tonnes d’hydroxyde de cobalt en 2018, 18 000 tonnes en 2019 et 21 000 en 2020, soit un total de 52 800 tonnes en trois ans. GEM est d’ailleurs spécialisée dans le recyclage des métaux non ferreux et des matériaux secondaires. Elle assure ainsi la récupération, le traitement et le recyclage des batteries usagées, des déchets d’équipements électriques et électroniques (équipements informatiques, téléviseurs, téléphones portables, etc.) et des déchets solides spéciaux (automobiles, ferrailles, etc.). Les produits du groupe comprennent essentiellement du nickel, du cobalt du tungstène, et des matériaux composites thermoplastiques. 

Ce n’est donc pas tout à fait un hasard si GEM (solidarité nationale oblige) si c’est elle qui sera l’un des principaux fournisseurs de son compatriote Contemporary Amperex Technology (CATL, troisième fabricant mondial de batteries avec une production de 6,8 GWh en 2016), lequel va fournir à Volkswagen une partie importante de la méga-commande de batteries que ce constructeur vient de signer pour un montant de 20 milliards d’euros. Or CALT fabrique des batteries au lithium-ion, qui contiennent du cobalt pour en assurer la stabilité. 

Toutefois, l’utilisation de ce métal présente néanmoins quelques problèmes, dont le coût et la disponibilité. Actuellement, le cobalt se négociait à hauteur de US$85 000 la tonne au London Metal Exchange, contre seulement US$22 000 dollars en janvier 2016 ! 

À n’en pas douter, cet engouement pour les batteries lithium-ion explique la hausse continue du prix du cobalt : actuellement, le cobalt se négocie autour de US$80 000 la tonne au London Metal Exchange, contre seulement US$22 000 dollars en janvier 2016. Qui plus est la République démocratique du Congo, premier producteur mondial de cobalt, a dernièrement haussé les royalties sur ce métal extrait de son sol. En fait, le 10 mars dernier, le président Joseph Kabila a promulgué le nouveau code minier congolais qui impose une taxe de 10 % sur les métaux critiques extraits chez lui, dont le cobalt.

En outre, selon le site planetoscope.com, il faut savoir que « chaque seconde, 2 kilos de cobalt sont produits dans le monde, soit 62 000 tonnes par an. Les réserves de cobalt devraient s’épuiser vers 2120. Il y a un stock de 7 milliards de kilos de cobalt sur Terre. Les réserves connues sont surtout en République du Congo (50%), en Australie (20%) et à Cuba (14%) ». 

Comme la consommation de ce métal ira croissant au fur et à mesure que croîtra la production de batteries pour véhicules électriques ou hybrides, l’épuisement des ressources de cobalt pourrait survenir beaucoup plus tôt. À l’appui de cette tendance qui n’est pas à la veille de s’inverser, un fait parmi d’autres : l’objectif du président Xi Jinping de faire passer d’ici 2015 de 200 000 actuellement à 5 millions le nombre de bornes de recharge en Chine. Facile d’imaginer que le parc de véhicules électriques chinois connaîtra durant cette période une croissance fulgurante… ainsi que la production de batteries lithium-ion destinées à les équiper.

Ce qui a fait récemment dire à l’agence Reuters que « les fabricants de batteries se bousculent pour réduire la teneur en cobalt des batteries lithium-ion, car les prix du minerai se sont multipliés ces dernières années et la propagation des véhicules électriques devrait entraîner des pénuries de cobalt ».

Mais il y a plus : l’extraction du cobalt ne serait pas éthique. En avril dernier, Amnesty International réclamait «  la tolérance zéro pour les entreprises qui continuent de tirer profit des atteintes aux droits humains commises dans les mines de cobalt ». Qui plus est, deux rapports de cette ONG montreraient « que la plupart des entreprises qui s’approvisionnent en cobalt en République démocratique du Congo (RDC), pays déchiré par la guerre, contribuent probablement à des violations des droits humains ou en tirent profit ».

La publication de ces deux rapports aurait conduit le constructeur automobile Tesla à prendre une position sur le sujet dans un rapport intitulé «Conflict Minerals Report»  dans lequel le constructeur californien explique les efforts qu’il entreprend en faveur d’un «approvisionnement responsable», mais aussi pour réduire l’utilisation de cobalt : « Il faut savoir qu’il y a très peu de cobalt dans les cellules de batteries utilisées par Tesla, car nous fabriquons principalement des batteries NCA [batterie de type lithium-ion, dont la cathode est composée de nickel, de cobalt et d’aluminium], qui contiennent sensiblement moins de cobalt que les batteries NMC [batterie de type lithium-ion dont la cathode est composée de nickel, de manganèse et de cobalt] employées par la plupart des autres constructeurs ».

https://www.planetoscope.com
https://techxplore.com/
https://www.lme.com/
https://www.amnesty.org/fr/

 


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