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L’aérotrain du futur pourrait ne pas être américain

avril 27, 2018
par Pierre Deschamps



Quand Elon Musk lance en 2013 le projet Hyperloop, la planète entière est une fois de plus émerveillée par l’imagination sans bornes de celui qui a déjà à son actif Tesla et SpaceX. Qu’annonce-t-il alors : rien de moins que la conception d’un train qui est en fait une sorte de capsule propulsées à une vitesse de plus de 1 000 Km/h dans un tube sous vide, un champ magnétique généré par des machines asynchrones devant assurer le déplacement des capsules surélevées par sustentation magnétique pour réduire les frottements.

 

Depuis, plusieurs groupes se sont lancés dans la mise au point d’un tel véhicule, dont la société canadienne Transpod, ces groupes ayant recueilli du financement pour des études de faisabilité, la réalisation de prototypes et de pistes d’essai ou la création d’un centre de recherche-développement consacré à cette technologie.

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Reste à savoir si ces projets aboutiront, car les obstacles à franchir avant la commercialisation et l’exploitation d’un tel train sont de taille. Mentionnons l’évacuation de la chaleur accumulée à l’avant de la capsule, le maintien d’un vide quasi total sur tout le parcours du tube et l’effet d’une chaleur interne élevée sur l’infrastructure, sans parler du fait qu’il faudra assurer en toute sécurité le déplacement de voyageurs dans un cylindre hermétique. Ce à quoi il faut ajouter le coût, mais nous y reviendrons.

Le concept mis de l’avant par Elon Musk n’est pas sans rappeler l’Aérotrain de Jean Bertin. Cet ingénieur avait conçu dans les années 1960 ce véhicule circulant sur coussins d’air au-dessus d’un rail ayant la forme d’un T inversé. C’est ce que l’on appelle la sustentation magnétique. Si cette innovation demeura sans suite faute de soutien des pouvoirs publics français, la technologie des trains à sustentation magnétique (ou Maglev) a néanmoins donné lieu au JR-Maglev mis au point par la compagnie ferroviaire Japan Railways et à un train qui circule en Chine sur une voie dédiée longue d’une trentaine de kilomètres entre Shanghai et l’aéroport de Pudong.

Mais voilà que cette technologie renaît sous le nom de SpaceTrain, un concept qui pourrait s’avérer être le plus sérieux concurrent du Hyperloop d’Elon Musk. Ce véhicule que ses concepteurs destinent aux lignes interurbaines longues de quelque 200 km est le fruit du travail de la société Jacques Vaucanson, une toute jeune entreprise française spécialisée dans la recherche et le développement de systèmes robotique autonome. 

En 2017, pour soutenir le projet SpaceTrain, elle met sur pied une filiale spécialisée dans l’ingénierie des transports dont l’objectif est de construire une première navette d’essai d’ici la fin de 2020. Le coût de développement de ce véhicule est actuellement estimé à quelque 8 millions d’euros (12,5 M$).

À l’instar de l’Aérotain, le SpaceTrain circulera sur une voie avec T inversé large de 3,40 m et haut de 90 cm, en utilisant des coussins d’air afin de se maintenir en suspension au-dessus du sol. La ligne expérimentale de l’Aérotrain utilisée autrefois par Jean Bertin (longueur : 18 km) n’ayant pas été détruite, elle sera restaurée pour y conduire dès cette année toute une batterie de tests. 

Selon le constructeur, « le véhicule prototype pourra embarquer de 20 à 40 passagers, en cabine pressurisée et sécurisée. La société travaille également sur une navette commerciale pouvant embarquer 130 passagers. La vitesse moyenne de circulation sera de l’ordre de 540 km/h, pour une vitesse maximale de 720 km/h. Cette limite est imposée par la longueur de la voie disponible pour les essais et la capacité normale de freinage du véhicule. »

Dans un récent numéro de l’hebdomadaire L’Express (no 3485), le journaliste Sébastien Julian mentionnait que « côté propulsion, SpaceTrain […] utilisera non pas une turbine à gaz comme l’Aérotrain, mais un moteur à induction. Ce dernier fonctionne à l’aide de bobines placées sous la cabine et grâce à des plaques « ferromagnétiques » disséminées le long de la voie. Une fois les bobines alimentées en électricité, un flux électromagnétique se crée. Son passage sur les plaques provoque une force qui propulse la navette vers l’avant. »

De plus, précise-t-il, « pour fournir de l’énergie au moteur, les ingénieurs de SpaceTrain prévoient d’installer des piles à combustible sur le toit de l’appareil. Celles-ci transformeront l’énergie chimique, libérée par la réaction entre l’hydrogène et l’oxygène, en électricité. » Il est prévu que le SpaceTrain consomme un mégawatt d’électricité : un tiers sera utilisé pour la sustentation, le reste servant à la propulsion et à l’alimentation de l’équipement à bord.

Emeuric Gleizes, le président de la société Jacques Vaucanson, précise qu’à l’origine « le SpaceTrain était conçu comme une navette montée sur coussins d’air et circulant dans un tube faiblement pressurisé. Le rôle du tube était d’améliorer la sustentation du module afin de diminuer les frottements résiduels et ainsi favoriser la vitesse de circulation. Mais nos études approfondies nous ont amenés à prendre une décision fondamentale. »

« Notre préoccupation majeure reste bien sûr le confort et la sécurité de nos futurs passagers. Nous nous sommes aperçus que le tube était un élément anxiogène et à juste titre. Des dispositifs de sécurité avaient été envisagés, mais restaient à l’état de projet. Sans parler des difficultés de maintenance dans un tel environnement. De plus, nous avons fait le constat que la technologie des coussins d’air était la seule à permettre d’atteindre les vitesses escomptées, en fonction de la longueur de voie disponible. Au regard de tous ces éléments, notre choix s’est rapidement [précisé] : nous nous passerons du tube. 

Une fois toutes les inconnues technologiques et techniques levées, le SpaceTrain pourrait bien devenir une solution de choix pour les déplacements de passagers sur des distances de l’ordre de 200 km, ne serait-ce qu’en raison du coût d’une telle ligne. 

En effet, selon les plus récentes estimations, le coût d’un kilomètre de ligne SpaceTrain coûterait quelque 6 millions d’euros (9,4 M$), contre 25 millions d’euros (40 M$) pour une ligne TGV et de 17 à 170 millions (26,5 M$ et 265 M$) pour une ligne Hyperloop !

Le temps dira quelle solution sera retenue ici et là sur la planète pour transporter à très haute vitesse des passagers soucieux de gagner du temps, toujours plus de temps dans leurs déplacements. Mais il est certain que le coût et la complexité des réseaux à construire constitueront des arguments de poids. Tube ou pas de tube : les paris sont ouverts.
https://space-train.fr/


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