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La renaissance du nucléaire

Grâce entre autres aux PMR

Décembre 13, 2021
par Pierre Deschamps


(Photo credit: SFEN)

Décriée depuis des décennies, l’énergie nucléaire semble avoir retrouvé un regain de vie lors de la récente COP26 qui s’est tenue à Glasgow, en Écosse, en novembre. Une situation qui a fait dire à Rafael Mariano Grossi, patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dans un interview donné à l’AFP : « Nous n’étions pas les bienvenus, mais ça a changé. »

Ce qui n’a pas empêché l’Autriche, le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg et le Portugal de signer à cette occasion une « Joint Declaration for a nuclear-free EU Taxonomy » dans laquelle les signataires soutiennent que : « L’énergie nucléaire est incompatible avec le principe consistant à ne pas causer de préjudice important du règlement sur la taxonomie de l’UE ».

Cela dit, la renaissance du nucléaire pourrait bien reposer en grande partie sur les petits réacteurs modulaires (PRM). Car, comme le soutient Redouane Seraoui, président de la Section technique ST07 de la Sfen – Technologie, « les PRM contribuent à l’innovation technologique (…) et répondent aux aspirations contemporaines : c’est une technologie qui vise à la simplification et la standardisation ».

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D’ailleurs, dès 2011, un rapport du département américain du US Department of Energy produit par l’University of Chicago Energy Policy Institute, estimait que « les petits réacteurs pourraient considérablement atténuer le risque financier associé aux centrales à grande échelle, permettant potentiellement aux petits réacteurs de concurrencer efficacement d’autres sources d’énergie. ».

Ici même au Canada, on a emboîté le pas avec le tout récent Plan d’action canadien des petits réacteurs modulaires (PRM) lancé en décembre 2020. Une sorte de « plan national pour le développement, la démonstration et le déploiement des PRM, en vue d’exploiter leurs multiples applications, au Canada comme à l’étranger ». L’une des applications pourraient être de les installer dans des régions éloignées où la production d’énergie est très largement à base d’énergie fossile.

En mai dernier, Kitsaki Management, Athabasca Basin Development et Des Nedhe Group, trois entreprises propriété de communautés autochtones de la Saskatchewan, ont signé une entente pour poursuivre les investissements dans les petits réacteurs modulaires.

De fait, ce qui a sans doute changé la donne, ce n’est pas seulement la perception ponctuellement positive de l’énergie nucléaire chez certains, mais plus que tout l’urgence de remplacer les sources d’énergie émettrices de gaz à effet de serre (GES).

Ces sites de taille moindre que l’on appelle en anglais SMR (pour Small Modular Reactor) sont de petits réacteurs modulaires d’une capacité électronucléaire pouvant atteindre jusqu’à 300 MWe par tranche, « soit environ un tiers de la capacité de production des réacteurs nucléaires de puissance traditionnels », au dire de l’AIEA.

Selon l’Agence, les avantages de ces PMR sont nombreux. Leur empreinte réduite leur permet d’être installés sur des sites qui ne pourraient accueillir des centrales nucléaires de grande taille. Comme certaines composantes des PMR peuvent être préfabriquées, expédiées et installées sur un site, le coût et le temps de construction s’en trouvent réduits. Si le périmètre d’un site le permet, on peut aussi ajouter des unités en fonction de la croissance de la demande énergétique.

Les industriels n’ont toutefois pas attendu la COP26 pour se lancer dans la production de telles unités capables de produire une grande quantité d’électricité bas carbone. Comme le souligne Prakash Sharma, chef du domaine des marché et des transitions chez Wood Mackenzie Asia-Pacific : « Bien que le concept de PMR existe depuis un certain temps, il n’y en a qu’une poignée en fonctionnement ou en construction. À ce jour, 70 concepts de PMR différents se trouvent à des niveaux de développement variés. »

Ainsi début décembre, NuScale Power, installé à Portland, Oregon, a dévoilé le nom officiel de ses PMR. Ils auront pour nom Voygr et se déclineront, selon le nombre de modules d’alimentation de l’installation, en Voygr-4 (308 MWe), Voygr-6 (462 MWe) ou encore Voygr-12 (924 MWe). Ce fabricant estime que « la première usine Voygr sera opérationnelle d’ici la fin de la décennie ».

En France, le Commissariat à l’énergie atomique, EDF et le groupe naval militaire Naval Group œuvre ensemble au développement d’un PMR ayant pour nom Nuward, dont la première mise en service est prévue vers 2035.

Au Royaume-Uni, le « programme Small Modular Reactor (SMR) est l’un des moyens par lesquels Rolls-Royce répond au besoin de garantir que le pays continue de développer des moyens innovants pour lutter contre la menace mondiale du changement climatique ».

Depuis un certain temps déjà, l’américain Westinghouse propose un réacteur intégré à eau sous pression de >225 MWe avec tous les composants primaires situés à l’intérieur de la cuve du réacteur.

En Russie, Rusatom Overseas a obtenu l’aval des autorités réglementaires pour construire le premier PMR du pays. La centrale, basée sur la conception du réacteur RITM-200, devrait fonctionner dans la ville arctique russe d’Usk-Kuyga à partir de 2028.

En Chine, la construction d’un projet de démonstration du réacteur modulaire ACP100 a officiellement commencé en juillet dernier à la centrale nucléaire de Changjiang, dans la province insulaire chinoise de Hainan. La China National Nuclear Corporation (CNNC) a déclaré que le projet sera le premier PMR commercial terrestre au monde.

Le réacteur à eau sous pression (REP) polyvalent de 125 MWe – également appelé Linglong One – est conçu pour la production d’électricité, le chauffage, la production de vapeur ou le dessalement d’eau de mer. Ce PMR devrait entrer en exploitation commerciale d’ici la fin de 2026.

Pour dire les choses autrement, la course au premier PMR opérationnel dans le monde semble donc bel et bien lancée, et la CPP26, comme les enjeux reliés aux changements climatiques, semble en effet avoir eu un effet d’entraînement indéniable.
https://www.iaea.org/fr
https://www.sfen.org/
https://epic.uchicago.edu/
https://www.rncan.gc.ca/accueil
https://www.woodmac.com/
https://www.nuscalepower.com/
https://www.world-nuclear-news.org/


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